Eclairages : qu'est-ce qu'un synode ?
Arnaud Join-Lambert, professeur de théologie, nous éclaire sur ce qu'est un synode.
Les synodes sont plus que de simples débats sociaux, organisationnels ou disciplinaires. Ils sont, jusque dans leur fondement, un processus spirituel “sous la poussée de l’Esprit saint”. Pourquoi organiser un synode provincial ? Quelle place prend-il dans la foi chrétienne ? Le mot synode vient du grec et peut être interprété comme le fait de se réunir de manière exceptionnelle (“franchir ensemble le seuil de la maison”) ou de faire chemin ensemble. Il rappelle le primat du corps que forme le peuple de Dieu. On retrouve dans les Actes des Apôtres, chapitre 15, l’archétype de la synodalité, notamment aux versets 6-25-28 et 31. Ils disent un style ecclésial qui permet de vivre cette synodalité, par une succession de huit étapes. Dans un premier temps, il faut constater le problème (théologique, pastoral ou disciplinaire). Puis des délégués sont choisis pour résoudre le problème. Les chrétiens assemblés se mettent à l’écoute de la Parole et rendent grâce de tout ce qu’ils ont reçu. Ainsi mis en présence de Dieu, les chrétiens posent le problème et ceux qui font autorité prennent la parole. Suite à leur intervention, une décision est prise à l’unanimité. Des messagers sont choisis et un message est écrit. Dans l’assemblée locale, le message, fruit de l’Esprit saint, est reçu, avec joie dans le meilleur des cas !
En Eglise, dans nos communautés, nous sommes invités à vivre ainsi cette synodalité. Faire le constat d’une réalité pastorale, avec la difficulté d’intégrer les particularités diverses. Puis, se mettre à l’écoute de la Parole et se mettre en action, mus par l’Esprit saint. On se dépouille de nos certitudes pour aller à la rencontre du monde d’aujourd’hui. On choisit des personnes pour porter le souci de l’Église en un lieu ; des personnes qui viennent de ce lieu et qui ont ainsi une pertinence particulière. On désigne aussi une présidence qui “vient d’ailleurs” : cet envoyé nous rappelle l’action de Dieu par son ordination. La communauté a besoin de ces deux types d’autorité (concrètement les EAP et les prêtres), même si cela peut entraîner des tensions. La synodalité peut nous aider à les surmonter, à vivre la communion de l’Église en un lieu. Vient ensuite la réception des orientations et des décisions, qu’il faut communiquer au-delà même de nos cercles et évaluer en prenant le temps de la relecture.
Inventons les paroisses de demain. Pourquoi ? Pour qui ? Pour quoi ? La naissance de ce siècle a aussi vu un renversement inédit dans l’histoire de l’Europe : la fin de la chrétienté. Celle-ci désigne un système social imprégné de l’Évangile et partagé par tous. En résulte une société postchrétienne, globale et pluraliste, qui a favorisé la crise identitaire de l’Église et aussi le développement d’autres religions, comme autant de pôles attractifs pour les chercheurs de sens. Deux solutions s’offrent alors à nous : le repli ou la prise de recul. Le synode choisit la seconde possibilité. Mais quel modèle inventer. Cinq structures ont déjà été “testées” pour reconfigurer la paroisse. Le modèle tridentin comprend une paroisse pour une communauté avec un curé ; mais le nombre de prêtres diminuant, d’autres systèmes ont émergé. Un autre modèle rassemble en une paroisse plusieurs villages avec un curé qui est mobile au sein de la communauté ; mais ce modèle n’est pas extensible à l’infini ! Certaines communautés se sont organisées dans une double mobilité : celle du prêtre et celle des communautés ; mais les communautés se déplaçaient là où elles le souhaitaient et pas forcément là où elles étaient invitées. Une autre option possible est la mobilité de la communauté autour d’un pôle concentrique ; mais cela produit des macrostructures où la présidence devient très importante, voire trop lourde à assumer. Le dernier modèle consiste dans l’itinérance du prêtre, ce qui redonne de l’importance à la vie locale que les gens organisent, le prêtre assurant, quant à lui, la communion entre tous. Ces modèles atteignent aujourd’hui leurs limites, notamment avec la diminution du nombre de prêtres et de bénévoles. Pour inventer, il nous faut quitter les anciennes représentations qui forgent encore nos imaginaires, notre action et nos plans pastoraux. Ensemble inventons, sous l’inspiration de l’Esprit, portés par notre foi et confiants dans la promesse du Christ “Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde” (Mt 28,20). Ce synode nous invite donc à regarder ce qui se vit ailleurs, comme les City-Kirchen dans le monde germanophone, les maisons d’Église en France ou les free-churches en Angleterre.
Et pour demain ? Nous avons à imaginer une structure pour annoncer et vivre l’Évangile. Inventer la “paroisse” pour accompagner tout au long de la vie, en favorisant la proximité et l’enracinement. Créer des lieux alternatifs pour nourrir la communauté, organiser des événements, accompagner dans les crises et aussi permettre des espaces “passage” dans les étapes de nos vies. Favoriser la vie consacrée pour une vie spirituelle intense et partagée. Appelés à vivre le mystère pascal, il nous faut garder à l’esprit qu’un horizon est toujours possible ! Cette démarche synodale est avant tout une expérience ecclésiale qui invite à nous laisser surprendre constamment par l’Esprit saint. Le synode est avant tout le résultat d’une conversion : gardons à l’esprit que l’Église est la seule institution qui a 2000 ans. Elle est dans la fidélité un modèle d’adaptation, non à toutes les modes, mais aux appels de son temps !