Catholique en Nord Pas-de-Calais - Diocèses de Lille . Arras . Cambrai

P. W. Wele :"La paroisse doit s'ouvrir aux jeunes"

Retour sur l'enquête des 11 paroisses tests des diocèses de Lille, Arras et Cambrai par le père Willy Wele Wele, doctorant à Louvain-la-Neuve, Belgique.

Willy Wele Wele-2 Willy Wele Wele-2  

2e assemblée synode 29-30 mars 2014

Père Willy Wele-Wele - Synode provincial

 

Samedi 29 mars 2014


Enquête sur 11 paroisses tests des diocèses de Lille, Arras et Cambrai


Merci de m’avoir invité au synode provincial de Lille, Arras et Cambrai (LAC). Je suis
heureux de faire route avec vous (synodos), d’y apporter un autre regard : un regard
transversal. 
Merci à Arnaud-Join Lambert, mon promoteur de thèse, de m’avoir lancé dans ce bel exercice intellectuel, grâce auquel j’apprends à devenir théologien. Merci aussi à toutes les personnes interrogées pour leur accueil, leur participation et leur écoute bienveillante.
Mon travail consiste à présenter les résultats de mes enquêtes réalisées sur 11 paroisses
faisant partie des diocèses de Lille, d’Arras et de Cambrai.
Je vais vous résumer 44 entretiens de 45 minutes chacun, recueillis lors d’un périple de
3.310 kilomètres dans le Nord-Pas-de-Calais, de novembre 2013 à février 2014.
Je vais vous entretenir sur des réalités que vous connaissez déjà bien et sûrement plus
que moi. Mais « la répétition est la mère de la science », dit-on.
Il convient de préciser que je fais un travail de théologien et non pas de sociologue. Cela
ne m’empêche évidemment pas de recourir à l’interdisciplinarité, comme toute bonne
théologie pratique l’exige.
Dans un premier temps, je nommerai les paroisses que j’ai visitées. Ensuite, je présenterai
les hypothèses qui m’ont facilité le travail. Dans un troisième temps, j’exposerai les grands
axes ou thèmes qui ont retenu mon attention en lien, bien entendu, avec des hypothèses :
une sorte de vérification des hypothèses.
Cette procédure m’évitera de parler de chaque diocèse car l’objectif, ici, n’est pas de
repérer le plus performant ou le meilleur mais de relever, dans une dynamique générale,
les grands défis pastoraux rencontrés dans les 3 Eglises locales.
Concrètement, je décrirai le milieu social, la catéchèse, la liturgie, la diaconie, le rôle et la
place du curé dans la paroisse nouvelle, le rôle et la mission des laïcs dans la paroisse
nouvelle, le lien des mouvements et associations avec la paroisse, le regroupement des
paroisses, les dévotions populaires, le rôle et la place de l’ Esprit Saint et les paroisses à
venir.
Après ces grandes lignes, j’aborderai d’autres points qui me semblent importants par
rapport au synode.
Certes, il y aura des petites nuances, des habitudes locales propres à un diocèse ou à une
paroisse, des particularités mais que je considère comme des richesses et non comme des
sujets à débat.



I. PAROISSES VISITEES


I.1. DIOCESE DE LILLE (3/4 paroisses choisies)
I.1.a. STEENVOORDE, Saint Pierre Saint Paul des Monts de Flandre (Moulins de Flandre)
Bertrand LENER, 47 ans, curé. Responsable de 2 paroisses.
Paroisse rurale. Milieu en pleine reprise économique, berceau de l’emploi. Avec l’arrivée de
jeunes couples, beaucoup de maisons en construction.
I.1.b. LILLE, paroisse Saint Eubert (3 églises).
Thierry VANDEMOORTELE, 57 ans, curé.
Paroisse du centre-ville avec l’église Saint Maurice, animée par la Fraternité des Parvis
avec un mode de responsabilité partagée.
I.1.c. ROUBAIX, Bienheureux Charles de Foucauld.
Pascal DAME, 50 ans, curé.
Quartiers très populaires avec une forte présence d’immigrés dont de nombreux
musulmans et bouddhistes.
Paroisse nouvelle constituée depuis peu. Avant, volonté de garder des petites
communautés.


I.2. DIOCESE D’ARRAS (4/4 paroisses choisies)
I.2.a. DESVRES, Notre Dame des Ardents en Boulonnais
Jean-Christophe NEVEU, 36 ans, curé.
Responsable de 2 paroisses rurales en bordure de la métropole boulonnaise.
I.2.b. BERCK-SUR-MER (Saint Martin de la Baie d’Authie)
Jean-Pierre HOCHART, 70 ans, curé.
Paroisse au bord de la mer et 3 communes voisines.
I.2.c. HOUDAIN, Saint Jean des Monts
Maurice VIEILLARD, 76 ans, prêtre modérateur résidant à 30 kilomètres.
Paroisse rurale. Une équipe pastorale selon le canon 517-2. Les chrétiens sont obligés
d’inventer des modes de fonctionnement inédits.
3 2e assemblée synode 29-30 mars 2014
Père Willy Wele-Wele
I.2.d. BEAURAINS, Notre Dame de Pentecôte
Gabriel BERTHE, 72 ans, curé
Banlieue Arras sud et 4 communes voisines. Paroisse proche du siège épiscopal


I.3. DIOCESE DE CAMBRAI
I.3.a. AVESNES-SUR-HELPE, Bon Pasteur en Avesnois
Jean DEVELTER, 51 ans, curé.
Sous-préfecture rurale, loin de la métropole et donc souvent défavorisée en ce qui
concerne la vie économique et administrative.
I.3.b. CAMBRAI, unité pastorale de 2 paroisses. Notre Dame de Grâce et
St Vaast St Géry
Mathieu DERVAUX, 42 ans, curé.
Paroisse urbaine. Siège épiscopal.
I.3.c. DENAIN, Sainte Remfroye en Denaisis
Jean-Marc BOCQUET, 64 ans, curé.
Petite ville au fort passé industriel et ouvrier, présence magrébine importante.
I.3.d. MARLY, Saint Eloi de la Rhonelle
Bertrand ESTIENNE, 55 ans, curé.
Marly et 2 communes voisines. Banlieue de Valenciennes ; ressources humaines
ecclésiales importantes.


II. HYPOTHESES DE TRAVAIL


Pour construire ma réflexion, je suis parti de 7 hypothèses, à partir de recherches et
structures actuelles de l’Eglise, qui m’ont permis d’aller sur le terrain et d’avancer. Mais ce
ne sont que des hypothèses.
II 1 – Une paroisse qui marche (missionnaire) est une paroisse dont les structures et les
actions sont fortement en interaction avec les spécificités du « lieu », à savoir le milieu
social, l’histoire récente et l’attention aux réalités proches au-delà des frontières
territoriales.
II 2. Le dynamisme de la paroisse repose sur l’engagement des chrétiens qui donnent
souffle à toute la vie de la communauté : animation de la liturgie et de la catéchèse,
présence auprès des personnes malades ou âgées, accueil et ouverture à « ceux qui se
sont éloignés de la pratique religieuse ou qui ne professent pas la vraie foi » (can. 528,1),
solidarité, gestion matérielle et économique.
III 3 L’eucharistie doit être le « centre de l’assemblée paroissiale des fidèles » ; que les
sacrements soient célébrés et que les membres prient, y compris en famille (can. 528,2).
III 4 - Le curé joue le rôle principal dans le bon fonctionnement d’une paroisse, par son
ministère propre (attention aux personnes, cf. can. 529), par sa capacité à susciter et à
reconnaître des initiatives, par des prises de responsabilité et de collaboration dans les
conseils (paroissial, économique).
III 5 – place des groupes – Une paroisse est non seulement une éventuelle « communauté
de communautés » (EG 28) mais c’est, dans son essence, de favoriser une diversité
d’appartenance par le biais de groupes de vie chrétienne et la pastorale spécialisée. Dans
ce sens, cette communion est exemplaire pour les regroupements paroissiaux. La paroisse
ouvre un espace de dialogue, de partage et d’enrichissement mutuel dans la diversité des
engagements de tous les fidèles et gère la tension entre diverses communautés. (Esprit de
clocher, question d’appartenance)
III 6 - Une paroisse qui marche laisse place à la foi populaire (tout en un lieu). Elle encadre
et soutient toute forme de religiosité, toute dévotion ou toute expression de la foi.
III 7 - Une paroisse qui marche est une paroisse ouverte à l’Esprit Saint qui, à chaque
époque, anime et renouvelle l’Eglise en lui donnant des énergies et perspectives nouvelles.


III. RESULTATS DE l’ENQUETE


1. MILIEU SOCIAL (MILIEUX SOCIAUX)
De manière générale, la région du Nord-Pas-de-Calais a été fortement marquée par
l’action ouvrière d’où, encore aujourd’hui, la présence de nombreuses associations.
Par ailleurs, pris distinctement, les diocèses et/ou les paroisses montrent aussi quelques
différences assez significatives du point de vue sociologique, culturel, religieux et sociopolitique.
A l’intérieur d’un diocèse déjà, on peut trouver des éléments opposés : Lille, avec toutes
les salles de spectacle, le Zénith et tous les services administratifs, diffère de Steenvoorde,
milieu rural avec des petites fermes flamandes.
- Roubaix : une ville particulièrement riche du point de vue socio-culturel avec plusieurs
origines ethniques, plus de 100 communautés, une présence très visible de l’islam dans le
quartier nord et des bouddhistes. Les chrétiens y sont minoritaires. On y trouve aussi des
communautés d’origine asiatique, des Capverdiens, Portugais, Italiens, etc.
- Desvres : ville de plus de 5 000 habitants qui a eu une belle histoire industrielle avec
notamment la production de faïence (carrés de faïence pour les murs ou différents objets
tels que assiettes, tasses, etc.) La ville a eu son heure de gloire jusqu’en 1970 à peu près
et depuis c’est la chute totale parce qu’il n’y a plus du tout de grosses industries de
fabrication. Une coloration politique à gauche, très socialiste.
- Houdain, Divion, Rebreuve et toute l’agglomération bruaysienne : traces d’un bassin
minier qui dans le passé a été très productif, faisant vivre la population mais qui depuis
25/30 ans connaît un affaiblissement et un appauvrissement assez importants ainsi qu’une
diminution de la population. Beaucoup de quartiers populaires avec, dans chacune des
localités, un centre qui représente l’ancien village très marqué par la population minière et
une sorte de fracture entre l’Eglise et ce milieu de travailleurs marqué par l’influence du
parti communiste et du syndicalisme de la CGT. Une présence polonaise à signaler. Une
Eglise très minoritaire qui vit dans un milieu qui n’est très christianisé, un milieu qui a subi
des influences du fait que l’image de l’Eglise était plus associée aux chefs d’entreprise et
aux exploitants de la mine qu’aux travailleurs et salariés.
- Denain : petite ville au fort passé industriel et ouvrier, présence magrébine importante.
Taux de chômage important.


2. CATECHESE ET HOMELIE (Martyria)
2.1. La catéchèse
L’accompagnement des enfants sur leur chemin de foi, avec un parcours calqué sur le
modèle scolaire d’hier, ne semblait plus correspondre aux réalités d’aujourd’hui. La place
des parents et des adultes était très peu présente et sollicitée dans les communautés
chrétiennes. D’où l’intérêt du document « Texte national pour l’orientation de la catéchèse
en France » établi par les évêques de France en novembre 2005. Cela a donné lieu, entre
autres, aux modules catéchétiques que les 3 diocèses (Lille, Arras, Cambrai) appliquent.
Ce n’est pas un nouveau programme à mettre en oeuvre en remplacement des
précédents, il s’agit d’un changement d’esprit dans la manière de « conduire » ou plutôt
« d’accompagner » le chemin de foi.
Par module, les évêques entendent une démarche qui s’étale sur plusieurs rencontres.
Chaque module propose un itinéraire dans lequel sont articulées des étapes. Chacune
propose des matériaux puisés dans les Ecritures, les actes liturgiques et les récits des
témoins de la foi, auxquels les enfants ou les jeunes se confrontent. Un espace prière
(temps et lieu) est souhaité pour chaque temps (ou rencontre d’environ une heure).
 Qui donc es-tu Seigneur ?
 Chemin vers l’eucharistie
 Dieu nous confie le monde
 La force d’aimer
Je dois avouer que la quasi-totalité des prêtres et des catéchistes que j’ai rencontrés sont
satisfaits des modules qui rencontrent un réel succès.
Sur le site du diocèse d’Arras, j’ai trouvé quelques convictions des animateurs et qui font
bien écho aux commentaires des personnes interviewées :
La première conviction est que le catéchiste n’est pas maître du cheminement intérieur
de l’enfant ou du jeune. Il est comme un frère aîné qui conduit une démarche, un
itinéraire, il partage sa foi avec les enfants. Plus exactement, il vit l’itinéraire avec ceux
qu’il accompagne dans l’expérience chrétienne.
Autre conviction : nécessité de solliciter les parents et autres adultes car la catéchèse
n’est plus une affaire privée entre catéchistes (spécialisées ou professionnelles) et les
enfants. Cette perspective est déjà perceptible depuis quelques années avec “Dimanche :
Parole en fête” ou “Graine de Parole”.
Devenir témoin à tous les âges de la vie, vivre en frère aîné dans la foi en compagnie
de frères plus jeunes, c’est un chemin nouveau à expérimenter en Eglise. Les aumôneries
essayent aussi d’encadrer les jeunes.
Sans contester le succès des modules, je pense qu’il ne faudrait pas se cantonner aux
seuls modules. D’ailleurs les orientations nationales le disent : « les modules, ce n’est pas
le tout de la catéchèse ». A côté, il y a la reprise en famille (comment on va prier en
famille, reprendre ce qui a été vu à la catéchèse, à la messe, le contexte familial) ; il y a la
messe aussi, l’eucharistie, la participation à l’eucharistie. Il y a également des temps forts,
par exemple, « Parole en fête », la préparation au sacrement, la réconciliation et enfin la
participation à un mouvement ou à un service (par exemple être servant d’autel).
J’ai pu percevoir la bonne foi des catéchistes. Leur nombre dépend des paroisses et milieu.
Les jeunes couples qui se préparent au mariage ont des rencontres mensuelles avec les
curés ou les diacres qui les accompagnent.
Pendant les temps forts, quelques sessions sont organisées dans différentes paroisses.
Dans les entretiens, mes interlocuteurs ont déploré le manque de participation des parents
à la catéchèse, parfois le manque de motivations des enfants (qui préfèrent aller au foot
et à la natation, par exemple), l’absence des parents et des enfants aux messes après les
professions de foi et les premières communions, etc.
Au niveau de la catéchèse des adultes : le parcours Alpha a été cité. Une expérience pour
refonder la foi. Un seul curé m’a parlé de la catéchèse des adultes. Les autres ont sans
doute oublié. Mais cet oubli me semble significatif. Quel intérêt accorde-t-on à la
catéchèse des adultes qui est la principale forme de catéchèse ?
Il y a bien sûr les Maisons d’Evangile. Une bonne expérience à faire connaître.

2.2. Les homélies
En ce qui concerne les homélies, tout le monde est d’accord sur le fait qu’elles sont, en
règle générale bien faites : pratique, concrète, en lien avec la vie. C’est une bonne
nouvelle. « Effectivement, je les prépare chaque semaine, jusqu’à les écrire. Je suis attentif surtout à ce
qu’elles fassent découvrir la parole de Dieu, comment tel ou tel évangéliste s’adressait à des gens
de son temps mais aussi, dans la dernière partie, rejoindre la vie d’aujourd’hui et comment le
même esprit de l’évangile rejoint dans l’actualité ».
« Dans l’homélie, c’est l’actualisation en fonction de ce qui s’est passé dans la semaine ; avoir
toujours un pied dans le journal et un pied dans la parole de Dieu ».


3. LA LITURGIE
D’abord de belles choses :
Les messes dominicales sont assurées ainsi qu’en semaine.
 Dimanche parole en fête (dimanche autrement) : assemblée intergénérationnelle.
Belle expérience. Très appréciée. Même si quelques uns viennent seulement pour la
messe et fuient la première partie.
 Liturgie des heures : dans quelques paroisses, les prêtres ont pris l’habitude de
prier la Liturgie des Heures avec des chrétiens laïcs.
 Exposition du Saint-Sacrement et adoration dans certaines paroisses.
 Célébration de la parole, dans certaines paroisses et sous conditions.
 Funérailles assurées par les chrétiens laïcs dans certaines paroisses, généralement
bien acceptées.
Par contre, on déplore :  Faible participation à la messe dominicale dans certains milieux.
 Manque de ressources humaines ; certains viennent consommer.  Absence des jeunes et des enfants du caté. Dans les assemblées, les cheveux blanchissent ou les crânes se dénudent.  Absence des liens humains. Les églises sont tristes.  Célébrations non conviviales. Les jeunes ne se sentent pas accueillis.
 Manque de dynamisme (vieux chants, les mêmes personnes au service, etc).
 On ne voit les enfants et les parents que lors de messes des familles.


4. DIACONIE (service du frère)
Beaucoup d’initiatives sont prises et méritent d’être soulignées.
 Les fruits de Diaconia 2013 : servons la fraternité. Un an après le lancement, la
quasi-totalité des diocèses français et plus de 100 mouvements, services d’Eglise et
Instituts de vie consacrée étaient impliqués dans la démarche.
 Expérience de table ouverte à Roubaix.  Épicerie sociale.  Restos du Coeur.  Opération « Un cadeau pour moi, un cadeau pour lui ». Terre d’errance.  Bloc alimentaire. Les paroisses étudiées ont presque toutes, au moins, un diacre actif. La liste n’est pas exhaustive.


5. ROLE ET MISSION DU CURE
Il y a une vraie évolution du rôle ou de la mission des prêtres et surtout des curés, au sein de la communauté. Tous les prêtres que j’ai rencontrés et même la plupart des chrétiens avouent que la mission du curé n’est pas de « faire », c’est d’ « être ». Et ils sont tous d’accord sur l’importance du ministère du prêtre. Mais un autre style d’être. Un ministère d’accompagnement. Un curé me disait : « La mission du curé c’est d’être identifié par tout le monde comme étant le pasteur ». Nombreux sont ceux qui pensent qu’il faudrait accorder beaucoup plus de responsabilités à l’EAP et décharger le curé de l’administration du temporel pour qu’il soit :
 - Pasteur
 - Accompagnateur
 - Veilleur. Quelqu’un qui fait l’unité et qui repère les personnes qui ont des talents afin de les épanouir
-  Coordinateur qui délègue et travaille de connivence avec l’EAP
- Ministre de Dieu au service de l’annonce, de l’accueil et de l’accompagnement.

 

« …Pour moi, avant tout, permettre aux prêtres de redevenir des prêtres donc le décharger un
petit peu de toutes ces tâches matérielles, le décharger du poids de la cure pour l’aider à redevenir
prêtre. Le prêtre c’est celui qui conduit, celui qui conduit la communauté, être présent aux gens
vraiment, dans une présence pastorale et pas faire du prêtre un manager, un homme orchestre
qui touche à touche et qui, de ce fait, n’a plus de temps pour la rencontre gratuite, pour une
catéchèse aussi peut être plus directe. Je pense qu’une réorganisation des paroisses s’impose et
donc confier une partie des prérogatives de la cure à d’autres personnes qui ne soient pas
forcément des ministres ordonnés ».

« Je vois ma mission, vraiment enracinée dans la parole de Dieu, enracinée en JC bien sûr ; mais
aussi non pas avec les chrétiens pour leur faire faire ce que j’ai envie mais pour faire avec eux.
C’est-à-dire ne pas tout penser et faire qu’ils obéissent mais faire avec eux et accepter leurs
initiatives. Pour qu’ils ne soient pas écrasés, je souhaite qu’ils aient des missions claires et limitées
dans le temps ».

Je me permets dans cette rubrique de mentionner les diacres comme collaborateurs des
prêtres et du curé et avec cette dimension particulière d’être signe de la diaconie, de faire vivre cette dimension là. Concrètement, ça se vit essentiellement en dehors des participations dominicales.
J’ai remarqué que les diacres sont très impliqués dans leur milieu de vie, dans la diaconie,
dans les groupes bibliques, dans l’accompagnement des couples en vue du mariage, etc.
Mais parfois on constate quelques difficultés de collaboration avec des prêtres au niveau
de la liturgie. Certains jeunes prêtres notamment s’imaginent que les diacres vont les
empêcher d’accomplir leur ministère et donc n’en veulent pas.
Quelques doléances parfois sur les dérives autoritaires de certains jeunes prêtres
cléricalistes.


6. MISSIONS DES LAICS


Ils sont d’abord laïcs chrétiens. Leur première mission, c’est leurs familles, leurs
professions, leurs quartiers. Avant même de penser à vivre dans un mouvement, dans une
association ou dans l’Eglise, je les vois d’abord assumant leurs responsabilités selon l’esprit
de l’Evangile là où ils vivent concrètement.
De manière générale, les chrétiens semblent conscients de leur mission, comme l’affirme
cette personne : « C’est une mission d’évangélisation aussi. Je pense que c’est déjà chaque
baptisé qui a la mission d’annoncer l’amour de Dieu, la miséricorde de Dieu, là où il est planté,
dans son coin, simplement de par sa manière d’être ; s’il se nourrit de la prière, de la parole, ça
doit transpirer. Ce n’est pas toujours facile, ça dépend des gens avec qui on est en contact. Il y a
des gens avec qui c’est plus facile que d’autres mais ce n’est pas parce que ce n’est pas facile, qu’il
ne faut pas le faire au contraire, il faut persévérer, il faut semer. Donc, un rôle de témoignage, on
va témoigner de sa foi par sa façon d’être. Accueillir c’est déjà annoncer, je pense».
Par ailleurs, au niveau de leur implication dans l’Eglise, les chrétiens laïcs ne sont pas tous
au même niveau, heureusement d’ailleurs. Grâce à une diversité des charismes et des
missions, ils s’occupent de la catéchèse, de la liturgie, ils sont dans l’EAP, à la chorale,
dans les mouvements et associations chrétiens et non confessionnels, ils ouvrent les
églises, s’occupent du linge, des fleurs, ils font l’accueil et assurent les permanences, ils
sont dans les équipes relais, ils s’occupent des funérailles, etc.
Constats :
 beaucoup plus de femmes que d’hommes.
 Beaucoup de retraités
 Ils se sentent soutenus par les prêtres dans leur mission
 La plupart des responsables ont suivi une formation (CIPAC, Paris et autres centres
de formation.)
 Prise de conscience de leur mission de témoigner dans la vie ordinaire et
professionnelle.


Quelques points d’attention
 Beaucoup de communautés vieillissantes
 Difficulté de renouveler les ressources humaines. Tout le monde n’est pas prêt à
s’engager (peur, manque de formation ?)
« Ce sont toujours les mêmes baptisés qui répondent au service de l’Eglise. Vous avez les mêmes
personnes à la chorale. Même pour préparer la cérémonie du dimanche, vous avez une équipe,
toujours la même. A la chorale vous avez les mêmes personnes, aux funérailles, les fleurs,
l’entretien de l’église, vous avez les mêmes personnes. L’Eglise fonctionne avec un noyau de
personnes et personne ne vient…. »
 Défi d’accueillir et d’appeler, difficulté de rejoindre les gens de la base dans
certaines paroisses. Un prêtre me disait que « les chrétiens sont comme des
parachutes. Ils ne fonctionnent que quand ils s’ouvrent …C’est important que les chrétiens
sachent reconnaître qu’il y a d’autres chrétiens qui agissent à côté d’eux et qu’ils font aussi
des choses bien ».
 Absence presque totale des jeunes
 Faire confiance et donner les moyens aux laïcs
 Proposer. On entend souvent le discours « je veux bien mais on ne m’a jamais
demandé »
 Rôle de discernement : appeler. qui ? où ? comment ? Souvent, ce sont les
mêmes personnes qui gravitent autour de l’Eglise
 Comment faire pour que tout le monde soit acteur et membre de la
communauté ?
 Parfois des laïcs « plus cléricaux que les prêtres » s’approprient la mission et la
mènent à leur manière.


7. MOUVEMENTS, ASSOCIATIONS ET COMMUNAUTES
Côté mouvements et associations, tous les diocèses sont gâtés : Secours catholique, ACE,
JOC, Mouvement des Chrétiens Indépendants, équipes Notre Dame, Buisson Ardent,
groupes Taizé, CCFD, association Terre d’Errance, ACO, groupes Alpha, aumôneries de
l’enseignement public, Scouts de France, Scouts d’Europe, les Restos du Coeur et les
épiceries sociales quoique non confessionnels.
On trouve quelques communautés religieuses dans les 3 diocèses. Dans l’ensemble, leur
nombre est assez réduit et leurs membres vieillissants.
De nombreux mouvements et associations sont en lien avec les paroisses. Cependant
quelques efforts sont encore indispensables.
Question : comment améliorer et renforcer les liens entre les paroisses et les
mouvements et associations ? (échanges d’information, échos de ce qui se vit de part et
d’autre)

8. REGROUPEMENT DES PAROISSES
4 catégories de chrétiens (4 mentalités) : ceux qui mutualisent facilement; ceux qui
sont attachés à leur clocher, ceux qui ne peuvent pas se déplacer et ceux qui sont sans
appartenance à une communauté (la nouvelle génération).
Avantages du regroupement :
 Mutualiser, fédérer, travailler en synergie. Grand bénéfice pour la préparation aux
sacrements de l’initiation chrétienne, pour les mariages, pour les funérailles, etc.
 Belles et grandes assemblées dominicales
 Rôle joué par les équipes relais (permanences, accueils, points d’écoute)
Quelques points d’attention :
 Risque de tomber dans le fonctionnel : restructuration, administration, fonction,
gestion de ce qui reste au lieu de fonder des communautés missionnaires.
 Critères de délimitations géographiques parfois utilisés pour la création de paroisses
nouvelles
 Esprit de concurrence entre certains clochers, parfois.
 Risque d’une perte d’identité, d’être noyés dans une masse, dans un ensemble plus
grand – sentiment d’appartenance.
 Quelques tensions entre relais paroissiaux, de temps en temps
« Unité n’est pas uniformité, comment respecter les spécificités qu’on a dans chacun des
clochers ? En effet c’est souvent autour d’un clocher que les maisons se sont bâties. Un excès de
centralisme n’induirait-il pas un appauvrissement des localités ? »
Question : comment gérer ce changement en douceur et cette tension entre identité
paroissiale (clocher) et nouvelle paroisse ?


9. DEVOTIONS POPULAIRES
On trouve toute une kyrielle de religiosité populaire. C’est un élément essentiel de pratique
en milieux populaires, expression d’une foi concrète, publique et non pas intellectuelle.
Rapidement, je cite : pèlerinages (Lourdes, Compostelle, etc), chapelet, processions
mariales en août, dévotions à Sainte Rita, neuvaines à Notre Dame des Ardents,
procession à Notre Dame de Boulogne, neuvaine à Notre Dame de Grâce, cierges,
neuvaine à Notre-Dame de Bollezeele (Vierge qu’on prie pour les femmes qui n'arrivent
pas à enfanter).
« On trouve aussi des personnes qui nous demandent de bénir une gourmette de
baptême, leurs maisons, ou même leurs voitures. Pèlerinages pour demander protection
ou guérisons. »


Attitudes :
Sentiment de respect. Les personnes interviewées acceptent et respectent ces pratiques.
Point d’attention : comment faire de ces dévotions populaires des lieux d’évangélisation
(contre la superstition, par exemple) et de catéchèse ?


10. ESPRIT SAINT
Toutes les personnes rencontrées croient en l’Esprit Saint. C’est une bonne nouvelle.
Dans les faits, il paraît insaisissable, imprévisible, difficile à cerner mais, on peut sentir sa
présence ou mieux ses actions. Il débloque, soulage, accompagne, guide et oriente. Il
donne des énergies nouvelles…
 Se sent dans la vie des communautés et dans les célébrations
 Dans les conversions d’adultes (dans les parcours Alpha, par exemple)
 Dans le catéchuménat
Mais reste une notion difficile à expliquer, à appréhender.
« C’est l’Esprit Saint qui nous précède, ça c’est sûr. Il est à l’oeuvre en chacun, il n’y a pas de
supers qui ont l’esprit saint et les autres qui ne l’ont pas, on a tous cet esprit qui souffle en
chacun »
« Bien sûr, moi j’y crois fermement. Le jour où nous avons vécu cette cérémonie de la veillée
pascale avec le baptême, la communion, la confirmation c’était très très fort! Il y avait l’Esprit
Saint. Tout le monde est resté alors que la veillée pascale, [les fidèles s’en vont vite souvent] le
reproche : ça dure trop longtemps. Et là, on a fini la cérémonie, on a chanté et les gens sont
restés dans l’église par petits groupes à se saluer, à se dire bonjour et on n’avait pas envie de
partir. C’était très, très fort, très beau vraiment ».
« Dans les rencontres avec des familles éprouvées, parfois on ne sait pas quoi dire. Mais il arrive
qu’on les soutienne avec des mots sensationnels ».


11. PAROISSES A VENIR
Les paroisses à venir ? Voici ce qu’en pensent les personnes interrogées : 

Une Eglise ouverte : « le Pape François qui appelle à l’ouverture de l’Eglise, ouvrir les
portes de l’Eglise, je trouve qu’on y travaille, qu’on est sur la bonne voie et je n’ai pas peur,
j’ai l’espoir, je n’ai pas peur du tout »
Une Eglise accueillante et fraternelle
Une église avec des prêtres qui sont pasteurs.
Revoir la mission et les tâches du curé et leur formation.
Renforcer la mission de l’EAP
La Parole de Dieu au centre de la vie chrétienne
Accueillir les communautés nouvelles – convivialité


Paroisses, communautés des disciples-missionnaires qui vivent dans la joie et dans l’amour et qui sont signe de la présence de Dieu dans le quartier, dans le monde.
Appeler, former et confier des responsabilités aux laïcs qui ont déjà fait un peu
leurs preuves, et les accompagner
S’ouvrir aux jeunes. Les rendre acteurs et membres de la communauté.
Eviter le fonctionnel mais se situer dans une dynamique de projets, une dynamique missionnaire. Rappeler pour qui on roule.
Tenir compte des périphéries existentielles (pauvres, exclus, malades, divorcésremariés,
homosexuels, etc).
Penser et organiser la pastorale des adultes
Améliorer la communication et la qualité de l’information.
L’organisation du synode est bien perçue par la majorité des personnes interrogées. Elles
pensent que c’est une belle initiative, une belle réflexion et en attendent un nouveau
souffle qui perdure, qui donne force aux communautés pour avancer, pour appeler, pour
être signe dans le monde.
Petite observation :
Pourquoi ne pas avoir invité des personnes des périphéries et des non pratiquants au
synode ?
Cela aurait peut-être enrichi un petit peu le synode, pensent certains chrétiens qui
estiment que beaucoup de membres du synode ont une mission ou une responsabilité
dans l’Eglise. Ils voient l’Eglise de l’intérieur.
Il serait intéressant d’avoir aussi un regard extérieur ou lointain.
Pour conclure
L’objectif principal de mon exposé était de mettre en exergue quelques points qui m’ont
paru importants pour alimenter votre réflexion. Au regard de ce détour, voici mes
convictions personnelles:
 On ne peut pas évangéliser si on n’est pas habité par le Christ et son amour.
Évangéliser c’est partager cet amour avec les autres en les regardant, en les
accueillant et en les écoutant. La paroisse de demain sera forcément un des lieux
d’évangélisation, à condition qu’elle soit évangélisée, d’abord.
 Dans un monde pluriel et multiconfessionnel, la paroisse de demain sera signe du
Christ : accueillir et refléter l’amour du Christ.
 La paroisse de demain doit être au service de toute l’humanité et en dialogue avec
les autres confessions religieuses.
 La paroisse de demain doit s’occuper des jeunes. Ils incarnent l’avenir, la relève.
C’est eux les missionnaires de demain. Il faut les accueillir, les écouter, les initier,
les accompagner et faire avec eux.


 L’essence de la paroisse de demain est d’être missionnaire, un lieu de communion
fraternelle avec une véritable collaboration entre prêtres et chrétiens laïcs vivants
dans la joie de l’évangile.
 La paroisse de demain doit être un espace convivial, lieu d’accueil, de partage, de
fraternité et de joie.
 La paroisse de demain sera un lieu de proclamation, de service et de célébrations
joyeuses et intergénérationnelles.
 La paroisse de demain est un champ missionnaire ; paroisse en mission. Elle ne
peut pas se concevoir autrement.
Au vue de ces informations, c’est à vous de réfléchir, d’approfondir, de creuser, poussés
par l’Esprit Saint, pour inventer les paroisses de demain.


Père Willy WELE-WELE, Diocèse de Kenge (RDC)
Doctorant à Louvain-la-Neuve, Belgique


« La paroisse n’est pas une structure caduque ; précisément parce qu’elle a une grande plasticité, elle
peut prendre des formes très diverses qui demandent la docilité et la créativité missionnaire du pasteur
et de la communauté. Même si, certainement, elle n’est pas l’unique institution évangélisatrice, si elle est
capable de se réformer et de s’adapter constamment, elle continuera à être « l’Église elle-même qui vit
au milieu des maisons de ses fils et de ses filles … Elle est communauté de communautés, sanctuaire où
les assoiffés viennent boire pour continuer à marcher, et centre d’un constant envoi missionnaire…. »

(Evangelii Gaudium 28).

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